Résumé : Voilà encore un coup de maître du grand Corbeyran, décidément jamais là où on l'attend. Il fallait bien toute son audace pour imaginer cette saga dhéroïc fantasy dont les héros, loin des êtres stéréotypés surnaturels et inaccessibles, se révèlent, dans l'ordre, une adolescente, un berger et une couturière, pressés par des secrets de famille qui les écrasent.... Ce choix de héros modestes, faibles, en butte à des sorciers maléfiques et des princes libidineux surprend d'autant plus que le scénariste reconnu et réputé d'Abraxas, de La Hyène, du Chant des Stryges, du Régulateur, du Réseau Bombyce et de Petit Verglas (liste non exhaustive) confie ici à une jeune dessinatrice, dont c'est le premier album, le soin de donner chair et couleur à son imagination débordante. Tous les ingrédients sont réunis (bestioles atypiques, personnages aux oreilles pointues, château lugubre : "standards" de la fantasy traditionnelle – tolkienniesque!?) pour illustrer à merveille le pastoral royaume de Nym-Bruyn, bientôt bouleversé par la naissance de Weëna, bébé aux cheveux cendrés, signe de malédiction, qui va grandir en cherchant l'amour du pâtre Gwylym. Histoire de descendance et de pouvoirs dialectiques, combat de la liberté individuelle face au destin des collectivités soumises à des entités intangibles, Weëna ou de l'art de s'affranchir de la fatalité est un pur régal graphique aux confins du manga et du trait classique. Reprenant la veine de certaines de ses productions du début des années 90, Dragan, Dedal, La Hyène, Corbeyran s'est senti suffisamment mature pour mettre au point une épopée à la Robert E. Howard ou à la Moorcok – et le moins que l'on puisse dire est que Weëna ne manque pas de souffle épique ! Sous sa férule, Alice Picard enchaîne avec une maestria qui sidère tableaux vivants, poursuites, batailles et massacres.